Comment la cathédrale de Reims a été reconstruite après la guerre et l'incendie de 1914

Au lendemain de l'incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, les images des charpentes brûlées en rappellent d'autres : celles de la cathédrale de Reims, meurtrie après la Première Guerre mondiale. Après-guerre, jusqu'en 1938, les alliés vont s'attacher à reconstruire le monument.

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"Je viens lui dire que je l'aime". Un appareil photo à la main, les larmes aux yeux, ce mardi 16 avril, une anonyme raconte le violent besoin qu'elle a ressenti ce matin, de se rendre aux pieds de la cathédrale de Reims : "quand j'ai vu les images à la télévision, ça m'a bouleversée".

Comme elle, quelques rémois sont venus voir l'édifice gothique où 31 rois de France ont été sacrés. Face aux images de Notre-Dame de Paris, toiture effondrée et calcinée, il est en effet difficile, de ne pas penser à celles, venues du passé, de la cathédrale de Reims, meurtrie après la Première Guerre mondiale et incendiée en septembre 1914.

Au lendemain du conflit, en 1919, la cathédrale où tant de Rois de France ont été sacrés est dans un état catastrophique.
 

Notre Dame de Paris a 50 ans de plus pour sa construction, mais la conception est la même. C'est-à-dire, un grand vaisseau de pierre avec une charpente en bois, recouverte de plomb et cet élément : la fragilité. La pierre ne brûle pas, mais il y a ce bûcher qu'est une charpente, et qu'il faut surveiller de très près
- Patrick Demouy, historien spécialiste de l'Histoire médiévale -


Miraculeusement, le bâtiment tient toujours debout, seul au milieu des décombres du centre de la ville de Reims. Mais une partie des beffrois sont éboulés, les vitraux ont tous disparus, les centaines de statues qui paraient ses extérieurs sont défigurées, quand elles n'ont pas été détruites, et toute la voûte intérieure s'est effondrée. Notre-Dame de Reims n'est plus que l'ombre d'elle-même. Il faudra 20 ans aux alliés pour la reconstruire.
 

Un siècle plus tard, les milliers de visiteurs qui se rendent chaque année dans le lieu saint, peuvent toujours apercevoir les traces de ce triste passé : à l'entrée,  l'ange au sourire qui les accueille n'a d'ailleurs jamais été entièrement rénové, pour rappeler cette histoire. 
 

Le terrible incendie du 19 septembre 1914

Dès le début de la Première Guerre mondiale, la cathédrale de Reims, symbole de l'histoire de France est la cible d'un acharnement particulier des troupes allemandes. En quatre années de conflits, le bâtiment recevra plus de 300 obus.
 
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Mais c'est l'incendie du 19 septembre 1914 qui a d'abord fixé dans l'histoire l'image d'une "cathédrale martyre".

Ce jour-là, aux alentours de 15 heures, un obus allemand touche l'échafaudage en bois de pin qui entourait depuis 1913 la tour nord du bâtiment. Moins d'une heure plus tard, il s'effondre sur le parvis. Vers 20 heures, il ne reste presque plus rien de la charpente de bois de Notre-Dame de Reims.
 
Pire, la chaleur de l'incendie a fait fondre les feuilles de plomb du toit de la cathédrale. Aujourd'hui encore, le Palais du Tau voisin conserve des gargouilles de l'époque, crachant ce plomb. Le chœur, les transepts, la nef, l'abside et les bas-côtés de l'édifice gothique ont presque disparus.
 

A l'intérieur, la quasi-totalité du mobilier a été réduite en cendre et la chaleur a endommagé une partie des pierres et des vitraux.
 

Des fonds américains et plus de 20 ans de travaux

A la fin de la guerre, un débat divise ceux qui souhaitent laisser la "cathédrale-martyre" en l'état, pour témoigner des ravages du conflit, et ceux qui veulent la reconstruire. Ses derniers l'emportent.

Pour financer ces travaux dantesques, alors que la ville de Reims a elle-même été détruite à plus de 85% et qu'il faut tout rebâtir, les fondations américaines Carnegie et Rockefeller apportent leur aide. Ce dernier prendra en charge toute la reconstruction du toit, pour un coût qui équivaudrait aujourd'hui à plusieurs millions d'euros.

Le chantier est confié à Henri Deneux. Cet architecte, rémois d'origine et directeur en chef des Monuments historiques, va notamment prendre une décision audacieuse pour que l'édifice ne traverse plus jamais la même épreuve : la nouvelle charpente qu'il donne à la cathédrale est en béton.
 

Une technique avant-gardiste pour l'époque. Les lamelles de bétons sont reliées à des tenons en bois. Un choix architectural qui présente un deuxième atout : le poids de la nouvelle charpente est plus léger que l'ancienne structure en bois. La pression exercée sur les fondations et le reste de l'édifice est donc moindre.


 
Du béton dans un bâtiment saint, si l'idée est loin d'aller de soi en 1919, elle a le mérite d'être efficace.
 
Aujourd'hui encore, les pompiers de Reims ne s'inquiètent pas pour la cathédrale : "nous n'avons pas de plan d'intervention spécifique, et pour cause : il n'y aurait rien à brûler, la charpente est en béton" explique Nadège Habrant, responsable du service de communication du SDIS de la Marne.
 

Ouverture au culte

Au total, ces premiers travaux de reconstruction, ont pris près de deux décénnies. S'il est partiellement rendu au culte dès 1927, c'est le 18 octobre 1937 seulement que l'édifice est reconsacré par le cardinal Suhard.
 
Le 18 octobre 1937, un reportage, archivé par l'INA, couvre la reconsécration de la cathédrale de Reims 

Mais malgré la durée des travaux, l'incendie et les obus ont laissé des traces.

On a fait ce qu'on pouvait pour rendre le bâtiment au culte, mais on ne le retrouvera jamais tel qu'il était. Si vous allez derrière la cathédrale, vous verrez que certaines flèches sont toujours abimées, elles ne seront probablement jamais réparées.
- Philippe Pividori, enseignant en Histoire contemportaine à Sciences Po Reims -


Un sort que Notre-Dame de Paris ne vivra probablement pas : du fait des années de guerre qui ont suivi l'incendie de 1914, la cathédrale de Reims était probablement dans un état plus vétuste lorsque la reconstruction a débuté.

"La voûte a été percée mais n'est pas écroulée, et le bâtiment n'est pas aussi chancelant" explique Philippe Pividori.

La cathédrale de Reims a été classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1991.
 
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